dimanche 28 février 2010

Le chocolat n'est pas une émulsion... mais mieux!

Ce billet devrait s'intituler "Le chocolat n'est pas une émulsion", mais on aurait eu un titre négatif, comme quand j'avais écrit que la théorie du food pairing était non scientifique.
Dépuis que j'ai rencontré des personnes qui fument des cigarettes bio (!), je sais qu'il ne sert à rien de vouloir convaincre. Et donc que les réfutations sont inutiles : occupons notre temps plus positivement.
Donc ce billet ne se limite pas à dire que le chocolat n'est pas une émulsion : il veut surtout aider à comprendre ce qu'est le chocolat.

Allons y doucement.

Le chocolat contient des matières grasses et du sucre, principalement, plus des matières végétales.
En gros, le sucre et les matières végétales solides sont dispersées dans la matière grasse.
Cette matière étant une matière grasse impure, elle est composée de molécules variées (des "triglycérides" : si vous n'êtes pas chimiste, pensez à des peignes à trois dents", de sorte que, contrairement à l'eau, elle ne se solidifie pas à une température précise (0°C pour l'eau), mais dans une gamme de températures.
Le beurre, lui, est entièrement solide à -10°C et entièrement fondu à 50°C ; entre les deux, il est fait de gouttes de graisse liquide dispersées dans une matrice faite de graisse solide. Pour le chocolat, les températures sont différentes, bien plus resserrées autour de 34-37°C ("le chocolat fond dans la bouche, pas dans la main"), mais il reste que, dans du chocolat à la température ambiante (vers 20°C), il y a de la matière grasse liquide dispersée dans la matière grasse solide.

Notons S1 la matière grasse solide, O les gouttes de matière grasse liquide (O pour oil, huile en anglais), S2 le sucre, S3 la matière végétale solide, et / la dispersion aléatoire.

Avec ce formalisme, le chocolat aurait la formule (S2+S3+O)/S1.

C'est bien différent de la formule des émulsions, O/W quand du gras liquide est dispersé dans une solution aqueuse, ou W/O, quand une solution aqueuse est dispersée dans de la matière grasse liquide.
Ce n'est pas non plus une suspension liquide, S/W, ni une suspension solide S1/S2.

Donc, non, le chocolat n'est pas une émulsion ; ce n'est pas une suspension. C'est un système plus intéressant, parce qu'un peu plus complexe.

Et puis c'est bon (quand on aime)...


Vive la gourmandise éclairée

dimanche 14 février 2010

A propos du débat "Faut-il vraiment du bon pour faire du très bon?"

Lors du débat du 8 février 2010 :"Faut-il vraiment du bon pour faire du très bon?", il a été décidé que je mettrais en ligne les réactions qui me seraient envoyées.

En voici :



De Benois Gayaud :
Par ailleurs j'ai lu il y a peu vous avez organisé une conférence sur "Qu'est-ce qu'un bon produit ?" Sans savoir ce qui a pu s'y dire, je me demande si un "bon produit" ne serait pas un produit qui satisferait à divers point de vue ?

- D'abord sur les sens : beau donc bon. Il plaît à voir, à sentir, à toucher (en bouche, à mordre, croquer, mâcher, etc. Et par là à entendre). Mais surtout il est bon au goût.

- Ensuite le bon produit n'est il pas celui qui satisfait le corps dans les besoins qui provoquent la faim : il nourrit. Mais ce n'est pas affaire de quantité : une bonne cerise ne fait pas un clafoutis ou même un repas.C'est même l'inverse dans votre livre, les personnages ont tellement aimé qu'ils ne pensaient pas en manger autant. Donc si l'on va chercher dans la qualité c'est le plan nutritif : les apports. Peut être y a-t-il une correspondance à établir entre le potentiel nutritif d'un aliment, la quantité et la qualité qu'il contient.

Prenons les tomates : quand elles sortent du jardin d'un primeur elles ont poussé au soleil, elles ont la peau tendue, qui craque sous la dent, elles sont très rouges et sucrées. Et au supermarché en plein mois de janvier elles sont farineuses, blanches, sans saveur, gonflées à l'eau des cultures hors sol du sud de l'Espagne. Deux représentations différentes. Les tomates de janvier sont elles aussi riches que celle du jardin estival ?

Pour ma part il m'est arrivé de faire pousser des tomates l'été, n'utilisant que de l'eau de pluie pour arroser et du purin d'ortie en pulvérisation sur les plants. Ces tomates donnent envie d'être mangées et d'y re-goûter, je leur ai trouvé du goût, du sucre, etc. Pas sûr pour celles de janvier…





Du bon pour du très bon ?

La collecte des commentaires, arguments, expériences formulées lors de ce débat m’amène à poser ces deux questions :

- Le très bon pourrai-il être corrélé au nombre de saveurs et odeurs offertes à l’appréciation du goûteur ? Ainsi plus un mets est composé de notes gustatives, plus le mangeur semble atteindre l’ivresse du goûteur !

- De nombreuses études confirment que la sensation de satiété est corrélée à la richesse gustative des aliments ou des mets ingérés. Autrement dit, meilleure est une préparation, plus efficace sera le contentement du mangeur et moins il mange!

Qui s’attèle à une copieuse étude mettant à jour les relations entre le nombre de saveurs harmonieuses présentes dans un mets et le bonheur du dégustateur ?


Ps : si un étudiant se lance dans l’étude, je veux bien jouer le rôle du cobaye, d’autant plus volontiers qu’un chef talentueux y participe aussi !




D'Odile Renaudin :



De Jane :

Le débat était intéressant mais je suis quand même restée sur ma faim :-).
En particulier : la réponse à la question initiale posée par Hervé : qu’est-ce que le bon (ou le très bon) ? était primordiale. A-t'elle été suffisamment débattue ?
J’aurais aimé que soit davantage développée la discussion sur la part de l’inné vs l’acquis dans la perception du "bon".
On connaît l’attirance du nouveau né vers le sucré au détriment des autres saveurs mais quid de la perception du "bon" chez l’adulte ? On soupçonne bien qu’elle s’appuie, en particulier, sur des références personnelles, familiales, sociales, culturelles, historiques, régionales … Dans ce cas, la perception du "bon" peut-elle être universelle ? Je n'en suis par sûre.
J’aurais aimé que Pierre Gagnaire nous dise si ses clients de Dubai aiment la même cuisine qu’à Paris en dépit d’une « histoire » gastronomique différente.
En ce qui concerne les « bons produits » utilisés en cuisine, je suis plutôt d’accord avec le fait qu’il s’agit d’abord et essentiellement de produits comestibles et qu’ensuite c’est toute l’histoire personnelle du goût qui fait l’appréciation du produit final.






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De Michel Dorfman :

Bravo pour le choix du thème qui a permis d'avoir un débat animé même s'il était parfois un peu brouillon dans son déroulement.
Ma contribution d'après débat portera sur le regret que le bon dans le sens du "bon pour sa santé" (différent du bon=non toxique évoqué dans le débat) n'ait même pas été évoqué sinon discuté.
Or, si l'aspect alimentation est trop souvent oublié au profit de l'hédonisme apporté par la gastronomie, il n'en demeure pas moins essentiel à notre survie et à notre bien-être. Dans ce cas, il est très facile à partir de bons produits de départ de faire un repas très mauvais pour un bon équilibre alimentaire. Par exemple:
- les fruits et les légumes sont-ils mis en avant chez les grands cuisiniers comme le voudrait les recommandations du PNNS?
- En est-il des grandes tables comme de la restauration rapide qui ne parle de la nutrition que dans 13% des établissements?

D'autre part, la comparaison faite entre la cuisine et la peinture n'est pas la plus appropriée pour moi car une fois son tableau achevé (et peut être vendu) le peintre passe à une autre toile, à une autre création. Le chef lui doit une fois sa création de plat achevée la mettre à son menu et la servir de nombreuses fois toujours avec la même exigence de qualité.

Je pense que l'art musical est plus proche de la cuisine; le chef étant un compositeur/interprète qui une fois sa composition trouvée,sa création finie, doit pouvoir la rejouer avec la plus grande exactitude. C'est d'ailleurs vraisemblablement la raison qui pousse les chefs à privilégier les matières premières "nobles" dont la qualité peut-être mieux maîtrisée dans le temps et pouvoir à partir du "bon" faire du "très bon" de façon constante. Çà correspond pour un musicien à choisir plutôt un "Stradivarius" pour jouer le concerto de Tchaïkovski qu'un violon de violoneux.

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Un autre message, d'un correspondant qui a voulu conserver l'anonymat :

Dans mes diverses recherches pour le vin où rien n’est primordial mais où tout est nécessaire, la résultante est :

Pour faire du bon, la balance peut être bancale à savoir un bon produit galvaudé, ou un produit pas top mais mis en valeur.
Pour faire de l’excellent, tout doit être en équilibre et ce dans l’excellence.

Autrement dit, je vois mal un rumsteck de vache laitière élevé en production intensive à cuisson bleue ou une super côte de bœuf charolais burn être excellente ; mais bien cette dernière cuite très saignante, reposée 15’ puis couper et servie.
Il en est de même pour le vin un terroir moyen, super bien travaillé pourra faire du très bon ; mais sur un terroir d’excellence travaillé en harmonie avec le cru on s’approche du sommet mais si sur ce dernier le travail n’est pas en équilibre on peut aussi tomber dans la peu près.
Pour mon métier, on part avec le meilleur bois, que l’on fait maturé au mieux, puis une chauffe au top tout cela adapté au vin à élever …

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Et encore un :

Débat très intéressant mais quel débat exactement ?

"Respecter le produit" (ce que tu conçois, je crois, comme une absurdité) n'est pas identique à "Utiliser un bon produit".

Du poulet au chapon, on passe du produit ordinaire au produit d'exception. Mais pour ce produit ordinaire qu'est le poulet, on va du mauvais produit, industriel, traffiqué, au très bon qu'élève mon arrière grand-tante dans son poulailler ! Et la gastronomie moléculaire peut certes aider à améliorer la préparation de ce produit ordinaire.

Mais un autre sujet de débat est la question de respecter ou non le produit de base, produit ordinaire ou d'exception, là où la cuisine moléculaire modifie les textures, les apparences, les saveurs mêmes. L'agneau en vapeur, le cabillaud en bille liquide, l'asperge en cubes, etc...



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Tu as raison.. en partie !;-) Les peintres font des oeuvres d'art avec un simple fusain... mais un bon fusain. On peut tomber à genoux devant une simple purée de pomme de terre... mais faite de bonnes patates.
L'art n'est pas une question de complexité, c'est meme l'inverse !
Enfin ca devient très philo..on pourrait en parler des heures.


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Tu as bien raison... mais ce n’est pas différent de « l’art ou l’artisanat du médecin », qu’il a bien du mal à le faire reconnaître dans notre société du « tout parfait », du « tout à la minute » ou du « tout sécurisant », voire « sécuritaire ... Je ne te fais pas de dessin pour que tu trouves un exemple médiatique récent ;-)

« l’art et l’artisanat du charpentier », c’était de savoir réaliser du « guingois esthétique et durable» après des années de compagnonnage lui apprenant la rigueur et l’adaptation au(x) terrains, pour ses bricoles de tous les jours comme pour ses grands œuvres. Ton plombier te colle bien une Ferrari qui te fera tout, mal et très cher, alors que tu voulais une 2 CV durable. Le surveillant d’usine chimique ? on lui a interdit de « taper le carton » alors que son oreille écoutait le moteur à régler régulièrement... Aujourd’hui, il fut appelé à d’autre tâches, l’usine saute, « on » s’est étonné. Le burn-out humain a rejoint le « burn tout court » de notre économie quotidienne, ménagère, domestique que tu as vécu aussi...
Excuses de te rappeler ton âge ! Heureusement qu’il y a quelques hiérarques, intermédiaires futés, qui ont compris que les « dames de la crêche » devaient elles-aussi avoir leur break en tricots personnels pendant les siestes des enfants, elles-mêmes étant souvent des jeunes mères épuisées !

Par contre, et c’est là que j’ai trouvé un peu assourdissant le silence des chefs que tu cotoies aujourd’hui (patrimoine UNESCO 2006 ?) et dont j’ai cotoyé quelques uns il y a 20 ans : « pour faire du bon, il faut avoir de bons produits à la base».
Fauconneau (Guy) parlait d’élever (ou d’assurer) la qualité moyenne basique à un bon prix, pour ne plus qu’il y ait de mauvais camemberts, ce qui fut fait. Depuis, personne n’a crié, haut et fort, que c’est l’ensemble du courant qui doit être respecté, cet ensemble d’activités qui fait que les trains arrivent à l’heure : sols-végétaux-animaux-paysans qui s’en occupent-conserveurs et transporteurs-etc....le brouillage des « Bové », l’agri-bio du Grenelle qui fut une énorme tartufferie pour masquer des réels...selon que vous serez riches ou pauvres, dont ceux qui prétendent s’en occuper (des pauvres !). En parallèle de ta formule, je te donne celle qui me permettait d’introduire mes propos envers mes divers publics... J’essayais d’expliciter « la merde de JPCoffe » en l’édulcorant sans la délayer : « Avec une bonne variété végétale de départ et de bonnes pratiques sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, vous avez de bons produits de proximité pour vous nourrir ou vous faire plaisir. Une bonne variété est nécessaire mais pas du tout suffisante : toutes les étapes -la météo à un bout de la chaîne et votre frigo à l’autre bout- peuvent faire défaillir des systèmes bien rodés par des dizaines d’années d’efforts et d’améliorations ; ne gâchons pas nos acquis en dégommant nos paysans». Comme cette actualité nous rejoint !

Quelques chefs se sont exprimés tout bas, mais ce ne sont pas eux qui font nos cantines depuis 30 ans. Bocuse (dans les centrales) a travaillé pour lui ? Bravo les Senderens-Roellinger pour leur sagesse de la vie courante ou Martin Hirsch pour le respect des hommes. Peut-être que le retrait MEDEF de Buisson-ANIA (semaine dernière ?) va enfin provoquer ces passages de culture (culture-agriculture-patrimoines-paysages qui furent mon pied de cuve de boulots successifs, hors les modes). De même, nos « non abreuvés-nourris d’Eurostar sauf quelques uns» (météo) ou notre RER-A de plusieurs semaines (grèves), aujourd’hui notre Gare d’Austerlitz (accident d’un non-respectueux du béton devant protéger ! un comble de notre connerie d’artificialisation des milieux), toujours nos antipodes ... Les riches n’ont pu aller « shoper » et s’en offusquent ? Fallait-il en passer par les débats sur la Terre et l’Identité Nationale récents ? j’en fus scotchée .... Ta réaction « naïve » montre d’autres aspects, mais tout ça n’est nullement surprenant. Les Cassandre n’intéressent personne bien évidemment. L’heure des géographes revient en force ! Merci Sylvie Brunel pour leur médiatisation.


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En réalité, je suis (comme souvent) assez d’accord avec toi, mais la question que je pose est un peu différente. Par exemple, pour faire son « fameux » (dans tous les sens du terme) « camembert à la framboise », Pierre Gagnaire a besoin d’un camembert platreux. Ce que je crois, c’est que les produits, à part d’être sains (et cela pose mille question : la noix muscade est-elle saine, alors qu’elle contient de la myristicine ? et le saumon fumé alors qu’il renferme des benzopyrènes à la louche), doivent surtout être appropriés à leur usage culinaire. Les filières, oui, peuvent produire des produits identifiés, tracés, qui font un paysage durable, mais la question culinaire n’est pas là.
Respecter : le mot est terrible. Moi, je préfère respecter des êtres humains, et utiliser d’autres termes pour les systèmes, les terres… et les produits que, de toute façon, la cuisine transforme. On n’a jamais vu de frite dans les arbres de la forêt équatoriale… et respecte-t-on la pomme de terre quand on la frit ?
Les chefs qui se sont exprimés l’ont souvent fait bien mal, confondant tout, au lieu de chercher à éclaircir : le débat sera précisément l’occasion de bien poser les choses sur la table.

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Il y a la cuisine chinoise dont on parle " qu'avec n'importe quelle matiere, on arrive a faire bon plat" et quant a notre cuisine japonaise, la première chose est de respecter la matière, pour ne pas dénaturer les denrées, nous avons vraiment besoin de choisir soigneusement la première matière. Après 9 ans d'exercice,(traditionnellement) les chefs peuvent enfin couper les poissons pour préparer les plats, il faut toujours connaitre les structures anatomiques pour mettre le couteau dans le bons sens et non contre sens. Voila qui différencie ces cuisines de 2 pays voisins.


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Pour moi un produit noble est d’avantage un aliment qui à permis ou qui permet à une population de survivre. Exemple, la pomme de terre, les crosnes, le riz, ces produits sont des produits nobles. Jamais le foie gras ne pourrait sauver les peuples comme l’ont fait les aliments cité plus haut.
Pour moi un grand chef est celui qui est capable de faire de grandes saveurs avec des produits communs. Il est toujours facile d’avoir un excellent résultat avec de la truffe et du foie gras.
Voilà, il y a longtemps que je voulais partager cette opinion avec vous et de savoir la votre sur cette réflexion.



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j'ai également assisté à ce débat que j'ai trouvé assez intéressant même si un peu confu par moments.
Je regrette également que Pierre Gagnaire ne soit pas intervenu plus souvent. En effet j'ai trouvé ses quelques idées exprimées fascinantes. Dans ses mots on préssentait une idée de la cuisine tout à fait artistique.
Pour ma part, je ne sais pas si un grand chef peut être comparé à un peintre plutôt qu'un grand musicien, mais à un grand artiste oui! Et Pierre Gagnaire en est la démonstration.

Lucia

www.radicchiodiparigi.wordpress.com

samedi 6 février 2010

La "formation par la recherche"

Je commence à avoir l'habitude de ne pas être politiquement correct, mais si je supporte ainsi les critiques, c'est parce que j'ai un objectif supérieur : le bien des étudiants!

Et puis, le dogme est quelque chose d'assez ennuyeux, et stérile, une façon paresseuse de ne pas penser, non?

Dans nos cercles universitaires, il y a ainsi l'expression "sauver la recherche" : je me suis exprimé précédemment sur la différence entre "recherche" et "recherche scientifique", ou encore "recherche technologique". Sauver la recherche : laquelle? La recherche artistique? La recherche technologique?

La recherche artistique ne relevant pas du champ de la science, je crois qu'il faut laisser aux artistes le soin de s'en préoccuper. Pour nos champs "scientifiques", la seule qui nous concerne est la recherche... scientifique : normal, non?

La recherche technologique? Puisque la technologie est (relisons le mot, cherchons son étymologie, au lieu de projeter nos acceptions très idiosyncratiques) le perfectionnement de la technique, laissons à l'industrie le soin de faire son travail, et consacrons-nous, dans les laboratoires scientifiques, à produire des connaissances qui seront utiles pour l'innovation technologique, le transfert technologique. Sans ces connaissances nouvelles, les ingénieurs ne pourront transférer que de vieilles choses, et leur sacro-sainte innovation sera très périmée.

Donc la recherche? Non, la science. Abandonnons le mot "recherche", qui est un fourre-tout confus, et parlons de science.

Faut-il "sauver la science"? Aux échecs, la défense sait bien qu'elle est désavantagée. Donc ne sauvons pas la science, mais développons la très positivement, en n'oubliant pas de penser que c'est la production scientifique qui fera l'innovation, laquelle devra être, ensuite, le travail de l'industrie, des ingénieurs.

Alors, la "formation par la recherche", dans ce contexte? Veut-on dire "formation par la science"? Pourquoi pas, mais qui pourra démontrer que la formation par la science est une bonne formation pour des élèves ingénieurs? Pourquoi l'entraînement à la recherche des mécanismes des phénomènes (la science expérimentale) serait-il utile à l'exercice du métier d'ingénieur?
Après tout, l'ingénieur doit savoir chercher des connaissances, et les transférer. Je ne vois pas que, dans ces tâches, la pratique scientifique intervienne.

A ce stade, j'ai bien peur d'être gravement dans l'erreur. Qui aura la gentillesse de réfuter l'argumentation précédente?