dimanche 26 février 2017

De la crème ou de la mousse au citron

La crème au citron ? La mousse au citron ? On peut les faire comme une crème anglaise ou comme un sabayon.

Partons d'un oeuf que l'on fouette avec du sucre  (par exemple autant de sucre que d'oeuf) : bientôt, la préparation blanchit, parce que - le microscope le montre- d'innombrables bulles d'air viennent se disperser dans le liquide épais qui se forme quand le sucre se dissout dans l'eau apportée par l'oeuf.
Puis, quand on ajoute un peu de liquide (dans une crème anglaise, on compte 16 jaunes d'oeufs par litre de lait)  et que l'on cuit, l'oeuf coagule, formant des agrégats microscopiques qui donnent de l'"épaisseur" à la préparation. On obtient une "crème", telle la crème anglaise quand le liquide est le lait parfumé par la vanille.

En revanche, si l'on ajoute plus de liquide et que l'on fouette énergiquement pendant que l'on cuit, le fouet introduit des bulles d'air dans le liquide, dont l'épaississement  stabilise la présence, et c'est une préparation de type sabayon qui se forme.


Pour de la crème au citron ? C'est manifestement la première préparation, si l'on veut une crème. Mais on n'oublie pas que l'on peut aussi faire un sabayon, plus "mousseux", si l'on désire.

Et l'on pourra se reporter à mon livre Révélations gastronomiques (Belin, Paris) pour voir une foule de recettes différentes à partir de ces deux bases et d'autres.

















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 25 février 2017

L'amertume des navets

Alors que nous préparions notre séminaire de gastronomie moléculaire de février 2017, où nous avons exploré l'épluchage des navets, j'avais voulu anticiper un peu, notamment en vue de planifier des expériences. Car il est vrai que la science progresse par tests expérimentaux d'hypothèses théoriques : contrairement à  des prétendus savoirs, contrairement aux pseudo-sciences portées par des individus à l'honnêteté douteuse, la science propose des tests de ses idées, et elle ne retient que ce qui passe le filtrer de l'expérimentation. Il ne s'agit pas de dogmatisme, contrairement à tous les faux savoirs, mais, au contraire, d'établir des faits.

Bref, je cherchais une hypothèse, pour tester s'il est vrai que, comme le disent certains cuisiniers, les navets épluchés à l'économe prennent de l'amertume ?
On sait que les navets sont très durs, et l'on sait aussi que les économes ne sont guère affûtés. De sorte que, immanquablement, le tissu sera comprimé au lieu d'être coupé... ce qui pouvait avoir un effet.


Je m'explique, puisque j'ai décidé il y a quelque temps de toujours être deux fois plus clairs que je pense devoir l'être.
Quand on coupe un tissu végétal, le couteau endommage les cellules sur une épaisseur plus ou moins grande, selon l'épaisseur de la lame et la façon dont le couteau est manipulé. Or les cellules endommagées libèrent à la fois des composés phénoliques et d'enzymes "polyphénoloxydases" : entre ces molécules, il y a des réactions qui changent le goût, comme quand une pomme est "tallée".

Bref, je me suis demandé si l'économe ne comprimait pas le tissu des navets, au lieu que le couteau (affûté) aurait mieux respecté le tissu végétal, ce qui aurait engendré des différences de goût, et possiblement de l'amertume.

Mais l'expérience a été faite... et nous avons observé tout autre chose : du piquant, et pas de l'amertume. Surtout, nous n'avons pas vu d'amertume entre les navets épluchés des deux façons. Dont acte... mais l'enseignement culinaire doit changer, au moins pour ce qui concerne l'épluchage des navets.





Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

jeudi 23 février 2017

Fermentation, coction, cuisson

Ce matin, une question :

"En tant que dénaturation des fibres et/ou protéines, la fermentation, à l'instar de la choucroute, est-elle une coction ?"

D'abord un point sur le mot "coction", que nous avons proposé à l'Académie française au tout début de ce séminaire, dans les années 2000. Il s'agissait de nommer des techniques culinaires analogues à la cuisson, mais où l'apport n'est pas thermique, comme dans les poissons à la tahitienne, où la chair de poisson est placée dans du jus de citron.

Cela concernait les tissus animaux, mais sur les tissus végétaux ? La cuisson, dans ce cas, a pour principal effet de dégrader les pectines par une réaction d' "élimination bêta", qui est en réalité une "hydrolyse" : les pectines sont des polysaccharides, c'est-à-dire de longs enchaînements de petits "sucres", et l'élimination bêta correspond au fait de détacher progressivement ces sucres de la chaîne. Comme les pectines sont comme des cables entre les "piliers" que sont les molécules de cellulose, entre des cellules voisines, l'élimination bêta a pour effet de d'affaiblir le "ciment" entre les cellules, de sorte qu'elles peuvent se séparer. D'où la possibilité d'écraser à la fourchette un légume cuit, pour faire une purée.




De ce fait, la question posée par mon correspondant peut s'interpréter comme suit : peut-on trouver des procédés qui vont faire la même action que la cuisson ?
Clairement des enzymes qui couperaient les pectines (des pectinases) pourraient avoir un effet. L'acidité ? L'exemple des cornichons au vinaigre montre que ce n'est pas le cas, puisque les cornichons longuement conservés ainsi ne s'amollissent guère.
La fermentation ? Il y en a de très nombreuses, et l'on connaît ces attaques par des moisissures où des carottes (par exemple) finissent quasi liquéfiées... mais ce n'est guère appétissant.

 Un mot, enfin, à propos de protéines et de "fibres". Les protéines, ce sont des polymères, des sortes de chaînes microscopiques avec de nombreux maillons, ces derniers étant des résidus d'acides aminés.
Dans les viandes et dans les poissons, le tissu musculaire est composé d'eau et de protéines, ces dernières étant dans des sacs allongés nommés "fibres musculaires". L'enveloppe de ces sacs (j'aurais pu écrire "tuyaux" ou "tubes") est ce que l'on nomme le tissu collagénique, et il est fait de protéines particulière de la famille des collagènes.
D'autre part, les molécules de cellulose évoquées précédemment sont aussi nommées des "fibres", mais elles n'ont rien à voir avec les premières. Ce sont des molécules très résistantes, intouchées par la chaleur, comme le prouve le lavage d'une chemise en coton (le coton est fait quasi exclusivement de cellulose), même quand on fait bouillir : la chemise n'est pas dégradée. Dans les aliments, il y a des "fibres", comme le montre l'expérience qui consiste à faire un jus de carottes à l'extracteur de jus : le résidu solide est de la cellulose. Et cette dernière n'est pas digestible, sauf à fermenter... ce qui engendre des flatulences.


Bref, la question de notre ami a été discutée, et je suis prêt à repartir sur des bases saines, s'il le souhaite.











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mercredi 22 février 2017

La génoise : une mousse ou une émulsion ?

On m'interroge  : la génoise est-elle une mousse ? une émulsion ?

Je rappelle que la recette est : on bat des oeufs entiers et du sucre, puis on ajoute de la farine et du beurre, et l'on cuit.

Du sucre et de l'oeuf entier que l'on bat  pendant environ un quart d'heure ? Il suffit de regarder pour voir que des bulles d'air sont introduites  dans le liquide, tandis que les cristaux solides de sucre disparaissent, le sucre se dissolvant dans le liquide : je rappelle que le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau, et le jaune de 50 pour cent d'eau, ce qui fait une moyenne de 70 pour cent.
Bref, il y a des bulles de gaz dans un liquide : c'est ce que l'on nomme une mousse.

Bien sûr, il y a de la matière grasse dans cette première étape : si le blanc d'oeuf en est exempt, le jaune d'oeuf est fait de 35 pour cent de lipides. Il y a donc des lipides dispersés dans la préparation, mais, avant qu'on ait ajouté farine et beurre, le système est clairement une mousse, et pas une émulsion.
Vient alors le moment où l'on ajoute farine et beurre, mais en proportions faibles. Le beurre s'émulsionne, et la farine se disperse, dans l'ensemble, de sorte que l'on aurait une formule du type :

 [D0(G) + D0(O)+D0(S)]/D3(W)

Cela signifie que la phase liquide de solution aqueuse (W), tridimensionnelle, contient, sous forme dispersée, des bulles d'air (G), des gouttes d'huile (O) et des particules solides (S).


 Mais ne finassons pas : un appareil à génoise, c'est d'abord une mousse.
 

 On cuit ? Les protéines de l'oeuf coagulent, et les bulles sont alors piégées dans la préparation : on passe d'une "mousse liquide" à une "mousse solide".










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

dimanche 19 février 2017

Comment faire un gibbs ?

Ce soir, un correspondant m'interroge : comment faire un gibbs ?


La recette est montrée en vidéo sur http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html, mais elle est  toute simple.



Soit on le fait en "note à note", soit on le fait plus classique.
Commençons par la recette la plus classique :

- dans un saladier, un blanc d'oeuf
- on ajoute de l'huile en petit filet pendant que l'on fouette vigoureusement (à la main, au batteur)
- quand on a obtenu une émulsion blanche, épaisse comme une crème, on ajoute du sucre (mettons 50 à 100 grammes)
- puis on parfume à la vanille, à l'eau de fleur d'oranger, à ce que l'on veut
- on met à mi hauteur dans une jolie tasse
- puis on met à pleine puissance au four à micro-ondes pendant quelques dizaines de secondes seulement ; plus exactement, quand le volume augmente d'un tiers ou plus, on arrête aussitôt la cuisson.
C'est terminé : on sert chaud. Tous simple, non ?

Pour une recette de gibbs note à note :
- dans un saladier, une cuillerée à soupe rase de protéines susceptibles de coaguler à la chaleur (par exemple, de blanc d'oeuf)
- on ajoute deux ou trois cuillerées à soupe d'eau
- puis on ajoute l'huile en fouettant
- dans l'émulsion, on ajoute acide citrique, sucre, glucose, colorant, composé odorant
- on cuit
- on sert

Tout simple, non ? 




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 18 février 2017

Mousseline ?


Dans un billet précédent, j'ai expliqué l'incohérence du Guide culinaire, en ce qui concerne les mousses et les mousselines de poisson.

Après ce livre, des usages du mot "mousseline" se sont introduits en cuisine française.
Par exemple, la pâtisserie désigne ainsi diverses préparations qui contiennent de la crème fouettée.
Ou bien des préparations "fines", telle la "brioche mousseline".
En cuisine, on trouve aussi les "pommes mousseline" (le mot "mousseline" est invariable), faites d'une purée de pomme de terre additionnée de jaunes d’œufs et de crème fouettée : l'usage semble dater des années 1940.
Tout comme la sauce mousseline, qui est une sauce hollandaise épaisse à laquelle on incorpore au dernier moment de la crème fouettée.

Pourquoi ces dénominations ? On observera que l'emploi de crème fouetté était déjà dans les mousselines initiales, ces sortes de quenelles que l'on cuisait dans une mousseline. Il y a eu contamination linguistique... sans compter que le mot "mousse" fait penser à quelque chose de léger, et "mousseline" incite à penser à quelque chose de délicat.

Mais je m'aperçois que je n'ai pas discuté le mot "mousseline"  !
Il désigne une toile de coton claire, peu serrée, fine et légère.
Au figuré ou par métaphore, il s'applique à une chose ou à une matière légère, transparente et vaporeuse :  "Le demi-jour qui y régnait venait de la mousseline de poussière entassée sur les carreaux" (Soulié, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 53). En verrerie, le mot a été utilisé pour désigner du verre très fin : "Il eut pour boire son bordeaux, un des premiers verres mousseline que le commerce ait fabriqués (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 355).
Le mot est connu depuis 1694, et il viendrait de mosulin,  « drap d'or et de soie fabriqué à Mossoul » (Marco Polo, éd. L. F. Benedetto, p. 18).



Pour terminer, dénonçons la malhonnêteté d'une certaine industrie alimentaire qui nomme "mousline" des flocons de pomme de terre, créant la confusion avec la préparation de pomme de terre que les cuisiniers font avec œufs et crème fouettée. J'invite mes amis à dénoncer ces usages aux instances d'état, et l'ANIA a faire du ménage chez ses adhérents !





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Des soufflés aux fruits rouges

Peut-on faire des soufflés aux fruits rouges ? Oui : on peut faire des soufflés au goût que l'on veut, car un soufflé n'est que... un soufflé.

Partons du classique soufflé au fromage : il est composé d'une sauce blanche que l'on additionne de fromage ; puis, quand on l'a laissée un peu refroidir, on y met des jaunes d'oeufs, et les blancs battus en neige ferme. On met dans un moule beurré au four, et si l'on applique les "trois règles de Hervé" (voir http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/01/faut-il-demarrer-les-souffles-au-bain.html), le soufflé gonfle merveilleusement.

Ce soufflé particulier se généralise parfaitement : il suffit d'une préparation un peu épaisse, d'une mousse faite de protéines susceptibles de coaguler à la chaleur. Par exemple, une crème anglaise ou une crème pâtissière, avec de la vanille, fera un soufflé à la vanille. Par exemple, des viandes finement hachées, pour un soufflé au canard, au gibier... Par exemple de la chair de poisson passée au tamis, avec une panade faite à l'aide d'un fumets de poisson, pour un soufflé au poisson. Par exemple...


On voit que l'on peut faire le goût que l'on veut  : il suffit de savoir s'y prendre.  Et, tiens, cerise sur le gâteau, si l'on peut dire : si vous faites un soufflé au cassis (une crème pâtissière mêlée à un coulis de cassis) dans des assiettes creuses servies individuellement, pourquoi ne pas introduire dans le soufflé, lorsque l'assiette est chaude devant les convives, une cuillerée de confiture de cassis ?












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Pourquoi les liebigs ne sont pas des mayonnaises collées, ni des würtz

Pourquoi les liebigs ne sont pas des mayonnaises collées, ni des würtz ?


Les "liebigs" ?
Ce sont des préparations que l'on obtient en dissolvant de la gélatine dans une solution aqueuse (vin, vinaigre, bouillon, thé, café, jus de fruit, etc.), puis  en ajoutant de l'huile goutte à goutte en fouettant comme quand on prépare une mayonnaise.
J'ai inventé cette préparation il y a plusieurs dizaines d'années, et l'on obtient d'abord une émulsion... qui gélifie physiquement, ce qui permet de produire une couche brillante, avec du goût, sur une pièce, comme une sauce chaud-froid.


Il y a une parenté avec la sauce mayonnaise collée, qui s'obtient avec une sauce mayonnaise à laquelle on ajoute une gelée fondue : on pose alors le récipient sur glace, et l'on fouette jusqu'à la prise. Dans ce second cas, on obtient une sorte de mousse émulsionnée et gélifiée... qui se distingue également des "würtz", que j'avais inventés il y a encore plusieurs dizaines d'années.


Pour les würtz, pas d'émulsion, mais seulement une mousse gélifiée physiquement que l'on obtient de la façon suivante : à une solution aqueuse, on ajoute de la gélatine, puis on fouette sur glace.


Pour être bien clair, je propose les schémas suivants :


La partie en bleue est la solution aqueuse. Les gouttelettes d'huile sont en jaune, et les disques blancs représentent des bulles d'air.

Le goût ? Il peut être celui que l'on veut ! 

Voulez vous des recettes ? Le mieux que je puisse faire, c'est de vous engager à aller les prendre sur le site de mon ami Pierre Gagnaire, à qui je donne une invention chaque mois depuis plus de quinze ans : http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve









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dimanche 12 février 2017

L'aïoli n'est pas une mayonnaise à l'ail



L'aïoli ?

Comme pour la mayonnaise, il y a beaucoup de confusion, avec tous ceux qui croient qu'il s'agit d'une mayonnaise à l'ail. 
 Erreur ! L'aïoli est une sauce ancienne, qui s'est toujours faite à partir d'ail et d'huile seulement. 

Historiquement, l'aïoli est très ancien, puisqu'on le trouve déjà sous le nom de « beurre de Provence », dans la Suite des Dons de Comus, paru au 18e siècle.

De l'ail dans un mortier, de l'huile ajoutée goutte à goutte que l'on incorpore au pilon. Parfois, il est dit de caler le mortier dans un linge, entre les genoux (on est assis). Parfois, il est dit que la préparation de la sauce prend un bon quart d'heure. Parfois il est dit que le pilon doit tenir debout dans la sauce, qui, donc, doit être très ferme.
Plus récemment, la sauce se dévoie avec du pain trempé dans du lait, ou avec de la pomme de terre, et, tout récemment à l'aune de l'histoire de la cuisine, on voit apparaître du jaune d'oeuf.
Mais sa présence est en quelque sorte scandaleuse, car elle change le goût de la sauce.
Bien sûr, l'aïoli peut se faire à partir d'ail blanchi, mais ne devrions-nous pas donner des noms différents à des objets différents ?

En tout cas, l'aïolli n'est certainement pas une mayonnaise à l'ail… sans quoi ce ne serait pas un aïoli… mais une mayonnaise aillée.








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Qu'est-ce qu'une ravigote ?




J'ai vu parfois des sauces faites de vinaigrette et d'oeuf dur qui étaient nommées « sauces ravigotes ». Erreur !



Depuis au moins la Renaissance, la sauce ravigote est un mélange d’herbes aromatiques ou de salades travaillées (hachées, ciselées, broyées), après un éventuel blanchiment.








Mais reprenons calmement. Ce que l'on nomme "ravigote", sans ce que cela soit une sauce, c'est un mélange d'herbes aromatiques ou de salades hachées, après blanchiment éventuel.



Ce mélange, nommé ravigote, donc, peut être introduit dans toute sauce, qu’elle se nomme mayonnaise, ou tartare, ou vert-pré, ou... simplement ravigote, quand les herbes sont la base essentielle de la sauce, et que cette dernière ne tombe pas dans une autre catégorie.



Quand il y a de la moutarde, à la base, pour faire la liaison (avec émulsion d’une matière grasse liquide éventuelle), alors la sauce devient une rémoulade... puisqu’il y a de la moutarde, et que celle-ci est le savorisme particulier des sauces rémoulades, que ces dernières contiennent des herbes ou non.

Dit plus succinctement, une rémoulade est une sauce bien travaillée, à base de moutarde ; une ravigote est un mélange d’herbes, qui peut donner son nom à une sauce.



Sauce dont il existe des versions chaudes ou froides.

Par exemple, on obtient une ravigote chaude à partir de beurre et de farine chauffés, puis additionnés de bouillon et d’herbes hachées menu, avec du jus de citron.



L'auteur d'un livre de cuisine célèbre, Menon (c'est le pseudonyme d'un personnage que l'on ne connaît pas), au 18e siècle, donne la recette d’une « Sauce bachique à la ravigotte" : "Faites bouillir deux grands verres de vin blanc avec un peu de blond de veau, estragon, cresson alénois, cerfeuil, une gousse d’ail, deux échalottes, persil, ciboules, sel, gros poivre, faites réduire au point d’une sauce ».

Et c'est ainsi, par l'usage juste du mot « ravigote », que la cuisine est encore plus belle !


















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

Qu'est-ce que la mayonnaise ? La rémoulade ? Ou plutôt, dans l'ordre inverse, puisque la rémoulade est apparue la première.



Permettez-moi de vous raconter l'aventure extraordinaire de la sauce mayonnaise, afin que nous comprenions mieux ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas.

Je commence l'histoire en 1740, avec Louis-Auguste de Bourbon, qui écrit dans Le Cuisinier gascon : « Vous avez une rémoulade chaude, faite avec toutes sortes de fines herbes & beurre de Vamvre, finir de bon goût, jus de citron ».

On observe ainsi qu'il y a des rémoulades chaudes, et des rémoulades froides, ce que confirme Menon en 1755, dans Les soupers de la cour, ou l’Art de travailler toutes sortes d’aliments pour servir les meilleurs tables, suivant les quatre saisons : sa rémoulade chaude est composée d'oignons, huile, vin blanc, bouillon, herbes, et sa rémoulade froide de « persil, ciboule, échalotte, une gousse d’ail, capres, anchois, le tout haché très fin, délayez avec une cuillerée de moutarde, huile, vinaigre, sel, gros poivre ».

Quoi de commun entre ces sauces ? Cela figure dans d'autres passages, mais il y a le mot « rémoulade », que l'on trouve aujourd'hui encore dans « rémouleur », « rémouler » : il s'agit de faire un geste répétitif, et, pour une sauce, on sait que les liaisons par émulsion imposent ce type de gestes. La rémoulade, c'est une sauce que l'on dirait aujourd'hui travaillée, maniée, rémoulée.

Passons au XIXe siècle, avec Le cuisinier national de la ville et de la campagne : « Rémolade verte. Ayez une petite poignée de cerfeuil, la moitié de pimprenelle , d’estragon, de petite civette, vous ferez blanchir ces herbes que l’on appelle Ravigote ; quand elles seront bien pressées, vous les pilerez, ensuite vous y mettrez du sel, du gros poivre, plein un verre de moutarde : vous pilerez ensuite le tout ensemble, puis vous y mettrez la moitié d’un verre d’huile que vous amalgamerez avec votre ravigote et moutarde ; le tout bien délayé, vous y mettrez deux ou trois jaunes d’oeufs crus, et quatre ou cinq cuillerées à bouche de vinaigre ; vous mettrez le tout ensemble et vous le passerez à l’étamine comme si c’était une purée ; il faut que votre rémolade soit un peu épaisse ; en cas qu’elle ne soit pas assez verte, vous y mettrez un peu de vert d’épinard ».

Ici, on retrouve le fait que, dans la rémoulade, il y a de la moutarde. A cette base, on ajoute du jaune d'oeuf, parce que les cuisiniers savent bien que le jaune donne beaucoup de goût. Puis on travaille pour obtenir la sauce épaisse : à une époque où l'on ignorait la raison de la fermeté des émulsions (on se souvient qu'une émulsion n'est pas une mousse!), on voit qu'il y avait quelque merveille à obtenir cette liaison. On voit surtout que la rémoulade était d'abord la moutarde ; le jaune d'oeuf n'est qu'un raffinement ultérieur, important du point de vue gustatif.

Tout allait pour le mieux… jusqu'à ce que, au dix-huitième siècle, quelqu'un se passe de moutarde, et obtienne une sauce d'un goût bien plus fin que celui de la rémoulade, en émulsionnant de l'huile dans un mélange de jaune d'oeuf et de vinaigre : la mayonnaise était née.

Les histoires abondent, sur la découverte de cette sauce merveilleuse, mais ce qu'il faut observer, c'est que la mayonnaise n'a pas de moutarde… sans quoi c'est une rémoulade. Le cuisinier Philéas Gilbert le disait d'ailleurs justement «  la moutarde est le savorisme particulier de la rémoulade ».

Aujourd'hui, je vois de nombreux cuisiniers faire un saut en arrière, avec des sauces qu'ils nomment fautivement des mayonnaises, et qui sont en réalité des rémoulades. Les deux sauces ont des goûts différents, des usages différents, mais l'histoire de la cuisine est claire : il ne faut pas confondre les deux, et, surtout, je crois que c'est une erreur (ou une faute, selon les cas) que de régresser, du point de vue de la technique culinaire.

Décidément, les mots justes sont essentiels, en cuisine ; n'est-ce pas ?














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La chlorophylle ? C'est bien dépassé… par les chlorophylles




Naguère encore, on parlait de la préparation du « vert d'épinard ». Aujourd'hui, on entend parler de « chlorophylle ». 
Dégringolade terminologique : on disait quelque chose de juste, et l'on dit maintenant quelque chose qui a une apparence scientifique… mais qui est faux.



Expliquons : le vert d'épinard est une préparation ancienne, que l'on obtient en broyant des épinards, puis en chauffant doucement le jus, dans une casserole ; se séparent une mousse d'un beau vert, en surface, et un liquide brun, qui décante.
On récupère la partie verte pour colorer en vert diverses préparations, telle la mayonnaise, en vue de donner une fraîche couleur.
Il y a quelques siècles, quand la religion catholique était plus forte, en France, le vert avait l'intérêt d'être associé au printemps, et, de ce fait, à la résurrection de Jésus.

Le mot «chlorophylle» fut introduit en 1818 par les pharmaciens français Joseph Bienaimé Caventou (1795–1877) et Pierre Joseph Pelletier (1788-1842), de l'Ecole de pharmacie de Paris, pour désigner le  « pigment » extrait des végétaux verts, et que l'on croyait constant.
Nos deux pharmaciens et chimistes reconnaissaient toutefois que le changement de mot n'était pas grand-chose :

« Nous n'avons aucun droit pour nommer une substance connue depuis longtemps, et à l'histoire de laquelle nous n'avons ajouté que quelques faits ; cependant nous proposerons, sans y mettre aucune importance, le nom de chlorophylle... ».

Puis, progressivement, les physico-chimistes apprirent à séparer les différents  composés présents dans cette matière verte : Georges Gabriel Stokes (1864), H. C. Sorby (1873), Mikhail Tswett (1906), et Richard Willstätter (1872-1942) découvrirent que la couleur des végétaux verts est due à la fois à des composés verts ou bleus, et à des composés jaunes, orange ou rouges.
On conserva le nom de « chlorophylle » pour les premiers, mais ce mot fut donné à l'ensemble de la famille, et chaque composé fut désigné par une lettre : a, a', b, b', c…
On connaît aujourd'hui une foule de chlorophylles, et parler de « la chlorophylle » n'a plus aucun sens. Il faut parler « des chlorophylles ».




















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L'albumine ? Une notion périmée de plusieurs siècles. Parlons de protéines.

Albumine ? On entend des cuisiniers dire qu' « elle coagule », dans diverses circonstances, telles que pâtés, terrine, quenelles, viandes cuites à basse température, poisson braisé… (je donne une liste de ce que j'ai très rapidement trouvé sur internet).

Pourtant, il faut dire, redire, enseigner que l'albumine n'existe pas ; qu'elle n'existe pas plus que n'existe « la chlorophylle ».


Pour comprendre, il faut reprendre les choses historiquement.

Tout a commencé avec les pharmaciens (qui ont développé les sciences chimiques, avec les chimistes) : au dix-huitième siècle, ils avaient observé que les viandes, les poissons ou les oeufs se distinguaient des végétaux, parce qu'ils putréfiaient, avec une odeur ammoniaquée, bien différente de celle des végétaux qui pourrissent.
Plus précisément, ils observèrent la formation d'ammoniaque, qui faisait changer de couleur le « sirop de violette », cet ancêtre des « papiers pH » que l'on utilise pour mesurer l'acidité, et qui ne sont en réalité que des bandes de papier imbibées de composés tels ceux qui donnent la couleur aux fruits et aux fleurs.

Bref, nos chimistes se mirent à tester des tas de produits, et ils découvrirent que le blanc d'oeuf était le prototype de ces matières animales coagulantes, d'où le nom d'albumen, pour le blanc d'oeuf, et d' « albumine », pour la partie du blanc d'oeuf qui était responsable à la fois de la coagulation et du changement de couleur.


Puis, au tout début du dix-neuvième siècle, le pharmacien Antoine François de Fourcroy découvrit de l' « albumine » dans les végétaux : dans les lentilles et d'autres légumineuses riches en ce que nous nommons aujourd'hui des protéines, il y a des « substances » qui coagulent à la chaleur, qui putréfient en libérant de l'ammoniac, et qui teintent le sirop de violette.

Puis vint l'analyse chimique et la chimie moderne, qui permirent notamment de reconnaître dans la gélatine la même composition chimique que dans l'albumine… alors que la gélatine ne coagule pas à la chaleur.
Et, d'autre part, on découvrit des « substances » qui contenaient aussi de l'azote, putréfiaient en teintant le sirop de violette, mais qui ne coagulaient pas.


Bref, progressivement, les sciences de la chimie comprirent que certains composés seulement entraient dans une catégorie qui fut nommée « protéines » au début du vingtième siècle.

 Les molécules de toutes les protéines sont principalement faites de chaînes dont les maillons sont des résidus d'acides aminés.
La gélatine, par exemple, est une forme dégradée (par la cuisson) de la protéine nommée « collagène », qui se trouve dans les tissus animaux ; comme on le sait bien, elle ne coagule pas.
Le lait contient des « caséines », à côté d'autres protéines ; certaines caséines coagulent… quand on acidifie ou qu'on ajoute de la présure.
Les viandes sont des tissus musculaires, dont la contraction est assurée par deux sortes de protéines, nommées « actines » et « myosines », qui coagulent, et le sang contient une protéine qui coagule également (d'où le boudin).
L'oeuf, enfin, contient une vingtaine de sortes de protéines différentes, et l'ovalbumine, dans le blanc, n'est que l'une d'entre elles (qui coagule, comme on le sait). Elle est l'homologue, bien que différente, de la protéine du sang nommée albumine sérique.


Très généralement, la catégorie est albumines est très vaste, puisqu'elle désigne aujourd'hui des protéines solubles dans l'eau, qui coagulent à la chaleur. Cela n'a plus aucun sens de parler de « l'albumine », et il faut, selon les cas, parler soit des protéines, soit des albumines… mais je doute que la seconde dénomination soit très utile, en cuisine. Parlons donc plutôt des protéines, et laissons l'albumine aux historiens ou aux scientifiques.











Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

La gastronomie n'est pas la cuisine : c'est de la connaissance !

Je viens de passer devant un restaurant asiatique, où il était écrit « Gastronomie d'Asie »… et c'était une faute.
Je viens de lire une critique dite « gastronomique », alors qu'il s'agit de la critique de restaurant, et c'est encore fautif.

Le mot « gastronomie » est employé à tort et à travers, dans le monde culinaire, et dans le monde en général. Expliquons pourquoi.


Le mot « gastronomie » est un de ces mots récemment apparus, puisqu'il est forgé du grec par un poète, Joseph Berchoux, en 1801. Le poète n'est pas très connu, de sorte que c'est le juriste Jean-Anthelme Brillat-Savarin qui en sera vraiment à l'origine, avec une définition parfaitement explicite et claire : « la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l'être humain en tant qu'il se nourrit » (Brillat-Savarin parle d' « homme », et non pas d'être humain, mais comme la meilleure moitié de l'humanité n'est pas masculine, autant adapter un peu la définition).

Ainsi, la gastronomie, c'est de la connaissance. Pas de la cuisine !
Dans le restaurant asiatique évoqué précédemment, il n'est aucunement question de connaissance, mais seulement de cuisine. Dans les restaurants, le client ne vient pas chercher de la connaissance, quel que soit le nombre d'étoiles Michelin, mais de la cuisine.


Comment nommer la cuisine des étoilés, alors, s'il est illégitime de la nommer « cuisine gastronomique » ?
 Il s'agit de cuisine de luxe, de cuisine d'apparat, de haute cuisine, de cuisine artistique, de tout ce que l'on veut, mais pas de cuisine gastronomique. Inversement, nous avions parfaitement nommé l'Institut des hautes études de la gastronomie la structure de formation avancée que nous avions créée en 2004, et la terminologie « gastronomie moléculaire » est parfaitement juste, pour désigner la science de la nature qui explore les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine : il s'agit bien de connaissance.








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L'arôme ? C'est l'odeur d'un aromate




Arôme ? Le mot est employé à tort et à travers, et même la réglementation a tout faux.


Le mot « arôme », en bon français, désigne l'odeur d'un aromate, d'une plante aromatique. Mieux, étymologiquement, c'est une odeur agréable.

Il y a quelques décennies, quand des technologues de l'industrie des parfums ont appris à isoler des composés odorants, ils ont produit des mélanges de tels composés, avec lesquels l'industrie alimentaire (principalement) a appris à donner du goût à ses produits.
Quel nom donner à ces mélanges de composés ? L'industrie et les institutions d'état ont décidé d'utiliser le mot « arôme », confondant une odeur et un produit qui peut la donner.
C'était une grave erreur, voire une faute, parce que le public a bien compris que le gauchissement des mots s'assortissait d'une tromperie. Dans un yaourt « aromatisé à la fraise », il n'y a pas de fraise, et l'on n'aurait jamais dû la réglementation accepter ces dérives terminologiques.


Car quand un mot est dévoyé, tout part à vau-l’eau. C'est ainsi que l'on s'est mis à parler de l'arôme d'une viande, ou d'un vin, alors qu'il y avait le mot « odeur », ou le mot « bouquet », pour le vin.
Certains scientifiques se sont mis, très idiosyncratiquement, à désigner par « arôme » l'odeur rétronasale, dues aux molécules odorantes qui remontent par l'arrière de la bouche, dans le canal qui la relie au nez (ce que l'on perçoit quand on boit la tasse).
Ce sont pourtant les molécules odorantes que l'on sent quand on approche l'aliment sous le nez. Certes, on les sent différemment, parce que la mastication les libère davantage, et parce que les aliments sont chauffés par la bouche, ce qui augmente la libération des composés odorants, mais ce sont les mêmes composés.

Raison pour laquelle je propose plus justement de parler d'odeur, quand on sent par le nez, et d'odeur rétronasale, quand on sent par l'arrière du nez.


C'est tout simple, n'est-ce pas ? Alors réservons le mot « arôme » aux odeurs de plantes aromatiques, des aromates !


















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

La saveur : ni quatre, ni cinq, ni six… mais sans doute une infinité



Le mot « saveur » est employé à toutes les sauces, mais son étymologie est conforme à son sens juste, bien reconnu par les spécialistes de la physiologie sensorielle, à savoir que le mot désigne les sensations comme les sucrés, les salés, les amers, les acides… et toutes les autres.


Expliquons, d'abord, pourquoi on utilise le pluriel pour la quatre sensations classiques, avant d'expliquer pourquoi ces quatre ne sensations ne sont ni les seules, ni élémentaires.

 Ce sont sont pas les seules : par exemple, la réglisse n'est ni salée, ni sucrée, ni acide, ni amère. L'ion glutamate, que l'on trouve notamment (mais pas seulement!) dans le monoglutamate de sodium d'une certaine cuisine asiatique, a une saveur originale, qui fait penser à certains à du bouillon de volaille. Le bicarbonate de soude a une saveur particulière, et ainsi de suite. Il n'y a pas quatre saveurs, ou cinq, ou six, mais sans doute une infinité.

Les quatre saveurs les plus connues ne sont d'ailleurs pas « élémentaires » : d'une part, parce qu'il est erroné de dire « le » sucré, ou « l' » amer, ou « l' » acide, et, d'autre part, parce que rien ne les distingue. Oui, il n'y a pas un amer, par exemple, mais un très grand nombre : à preuve, l'amer de l'oignon roussi n'a rien à voir avec l'amer de la quinine, qui n'est pas combattu par le sucre de table, ou saccharose. L'acide acétique n'a pas la même acidité que l'acide citrique, ou l'acide tartrique.


Enfin, il faut ajouter que des composés peuvent avoir à la fois une odeur, une saveur, et même des effets différents, par exemple « trigéminaux » (les piquants, les frais…). Par exemple, l'éthanol pur (ou en solution dans l'eau, comme pour la vodka) a une odeur, une saveur, une sensation trigéminale. Idem pour le menthol de la menthe, par exemple.



Finalement, parler de la saveur d'un mets est une faute courante : il faut parler de son goût… car il est bien difficile de faire la part des saveurs dans les seules sensations que nous ayons : les sensations synthétiques qui sont celles du goût.









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Le goût : la sensation complète que l'on a en bouche. Oublions le mot « flaveur »



Goût, arôme, saveur… Trop souvent, le monde culinaire ne fait pas bien la différence… ce qui est d'autant plus excusable que le monde scientifique, aussi, est parfois bien confus, avec des spécialistes qui ne s'accordent pas sur les mots pour désigner des modalités sensorielles.

Certains évitent le débat en se focalisant sur les structures anatomiques ou biologiques, mais cette position a l'inconvénient de laisser courir des mots confus, imprécis. Inversement, le centre de l'Inra spécialisé dans l'exploration du goût, à Dijon, est très justement nommé « Centre européen des sciences du goût ».


Lors de séances publiques de l'Académie d'agriculture de France, nous avons discuté cette question, en partant de l'observation simple selon laquelle un aliment que l'on mange a un goût : une banane a un goût (de banane), le jus d'une orange a un goût (d'orange), et ainsi de suite. Quoi que l'on fasse, quoi que l'on dise, la consultation des dictionnaires du passé montre que le mot « goût » désigne la sensation complète que l'on a quand on met un aliment en bouche.

De ce fait, le mot « flaveur », qui avait été proposé dans les années 1950, est complètement inutile, puisque redondant (et copié sur l'anglais). Le goût est ce que l'on perçoit : c'est une sensation complète, complexe, synthétique.

Sensation complète : dans le goût, on peut avoir des composantes particulières. Par exemple, quand on boit du vin, on peut « percevoir » (j'évite le mot « sentir », ici, pour des raisons que l'on verra plus loin) de la banane, du lila, de la rose, du salé, du piquant… Le vin a son goût, et ce goût a plusieurs dimensions… sans compter qu'il peut évaluer en cours de dégustation (une attaque, une finale…).


Sensation complexe : ce que l'on ignore parfois, c'est que la perception du goût relève de plusieurs voies nerveuses, avec pour chacune des « récepteurs » et des nerfs qui montent vers le cerveau, où se fait l'intégration des perceptions. Par exemple, le nez porte des « récepteurs olfactifs », qui transmettent l'information sur les molécules odorantes qui se sont liées à ces récepteurs (pensons à des clés qui viennent dans des serrures). Par exemple, la langue portent des récepteurs « sapictifs », associés aux papilles. Par exemple, la bouche a des capteurs de pression (associés aux dents), de température, etc. Le goût est la résultante de toutes les perceptions élémentaires.

Sensation synthétique : quand on mange un aliment, les diverses voies sensorielles de la bouche et du nez sont stimulées, et des signaux sont donc envoyés au cerveau : là, se fait la synthèse de toutes les sensations, et c'est pour cette raison que l'on peut finalement « reconnaître » le goût d'une banane, d'un poulet rôti, d'un poisson grillé.

Quelles sont les sensations élémentaires ? Ce sera l'objet de billets à suivre.















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Les mousselines sont-elles des mousses ?


Précédemment, nous avons vu que des mousses sont obtenues par un « foisonnement », c'est-à-dire l'introduction de bulles de gaz dans un liquide. Est-il alors légitime de parler de « mousse de poisson » ? 

Regardons une recette : on trouve de la chair de poisson broyée, parfois du blanc d'oeuf, de la crème. Que l'on fouette par avance ou que l'on mixe l'ensemble, le volume augmente en raison de l'introduction de bulles d'air. La préparation est foisonnée, à défaut d'être réductible à une simple mousse… mais la bataille terminologique est perdue : on ne changera pas le nom de ces préparations. 

En revanche, on peut s'interroger sur le terme de « mousseline » qui, dans le Guide culinaire, correspond à la même recette, preuve que ce livre est bien imparfait (en plus d'être périmé). Pourquoi deux mots pour désigner la même préparation ? 
En réalité, en lisant un livre de cuisine du dix-septième siècle, j'ai trouvé une ancienne recette de «  mousseline de poisson » : de même que les « terrines » sont les préparations cuites dans des récipients en terre nommés terrines, les mousselines de poisson sont des préparations à base de chair de poisson et qui sont cuites dans un linge fin nommé mousseline.

Tout simple, n'est-ce pas ?



















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Les mousses ? Du gaz dans un liquide


Une mousse, un enfant sait ce dont il s’agit. Il prend du savon, le fait fondre un peu dans l’eau et agite cette dernière : l’eau mousse. Observons : nous voyons des bulles d’un gaz. Ce gaz est de l’air, que les mains ont introduit. Regardons de plus près : entre les bulles, il y a un film liquide.

Oui, c’est tout simple : une mousse, c’est un ensemble de bulles dispersées dans un liquide et, donc, séparées par le liquide. En cuisine, c'est la mousse du crémant d'Alsace, du champagne, de la bière, du blanc d'oeuf battu en neige...
Il faut ajouter qu’à côté de ces mousses nommées « mousses liquides », il existe aussi des « mousses solides ». Par exemple, les mousses de polystyrène, qui ne se mangent pas. Mais il y a aussi les meringues, qui se mangent, ou les soufflés, et bien d’autres. Là encore, des bulles de gaz sont dispersées, mais elles sont dans un solide, cette fois. D’où la dénomination.
Regardons autour de nous (en cuisine) : voyons-nous d’autres mousses ? Le pain est une mousse. La génoise est une mousse. Pas le poisson, ni la tomate, pas la sauce mayonnaise ni la sauce vinaigrette.

Parfois, c'est un peu plus compliqué, par exemple dans la crème que l'on fouette : le « foisonnement » (c'est le mot qui signifie : « faire mousser ») transforme une  « émulsion » (je reviendrai une autre fois sur ce terme) en émulsion foisonnée. De même pour le sabayon : le foisonnement s'accompagnant d'une coagulation des protéines de l'oeuf, on obtient un système plus complexe qu'une simple mousse, hybride entre la « suspension » (j'y reviendrai une autre fois) et la mousse.

Parfois, les bulles ne sont pas des bulles d'air, mais des bulles d'un autre gaz : c'est le cas quand on fait fermenter un kugelhopf : les levures produisent du gaz carbonique, qui fait lever la pâte.

« Maillard » ? « Caramélisations » ? Ce serait si simple de « brunir »


Je suis un peu fautif d'avoir fait connaître à la communauté culinaire les réactions de Maillard : aujourd'hui, des personnes qui ne sont pas chimistes, quand elles ne me connaissent pas, vont jusqu'à… m'expliquer ce (qu'elles croient) que c'est ! Et les explications qu'elles donnent sont fausses.

Les réactions de Maillard ne se feraient qu'à chaud ? Faux.
Les réactions de Maillard auraient lieu à partir de 145 °C ? Faux… et je ne sais même pas d'où sort de 145 °C que les sites internet répètent.
Les réactions de Maillard s'apparenteraient à la caramélisation ? Faux.
Les réactions de Maillard seraient entre les acides aminés et les sucres ? Faux.
Et j'en passe, parce que l'on trouve de tout sur Internet.


Disons maintenant des choses justes. 

Quand on chauffe certains aliments, ils brunissent. Évidemment ce brunissement résulte de réactions chimiques. Lesquelles ? Celles qui font intervenir les composés présents dans les viandes, à savoir principalement les protéines, des « sucres », les graisses, l'acide lactique… et de nombreux composés mineurs. Quelles réactions ces composés subissent-ils?
Observons que les protéines isolées peuvent brunir, quand elles sont chauffées : on observe un tel effet quand on chauffe de la gélatine (une protéine) à sec, par exemple, et le brunissement résulte alors de plusieurs réactions simultanées, de sorte que l'on aurait raison de désigner ce brunissement par le mot « pyrolyse ».
D'autre part, les sucres, également, peuvent brunir. Par quelles réactions ? La caramélisation étant le brunissement spécifique du sucre de table, ou saccharose, il n'est pas judicieux de nommer de même la transformation d'autres sucres chimiquement différents. Là encore, pyrolyse s'impose, plutôt que caramélisation. D'ailleurs, la matière formée n'est pas le caramel, qui est un mélange complexe, mais ce que j'ai proposé de nommer un « péligot ».
Les lipides, aussi, peuvent réagir, à chaud. Les réactions peuvent être des oxydations, par exemple.
Voilà pour les principales réactions des composés isolés, mais il peut bien évidemment exister des réactions entre des composés différents. Et c'est ainsi que l'on trouve, parmi bien d'autres, les réactions découvertes par le chimiste français Louis-Camille Maillard : ces réactions sont celles qui font intervenir les protéines et des sucres particuliers (les « sucres réducteurs »), tel le glucose, qui se trouve dans le sang, donc dans les viandes, et aussi dans les légumes (avec le fructose et le saccharose, principalement).
Les réactions de Maillard n'ont rien à voir avec une caramélisation, puisqu'elles font intervenir protéines et sucres (réducteurs), alors que des sucres seuls suffisent pour les caramélisation. Elles sont lieu à n'importe qu'elle température, et notamment à 37 degrés (hélas) : elles sont ainsi responsables de l'opacification du cristallin des personnes souffrant de diabète. Evidemment, elles sont plus actives quand la température augmente, mais c'est le lot de toutes les réactions.
D'ailleurs, à ce propos, il est bon de signaler que les réactions ne sont pas toujours visibles à des changements de couleur. Par exemple, quand on cuit des spaghettis (qui contiennent des sucres « complexes », à savoir les amyloses et les amylopectines, sous la forme de grains d'amidon), ces composés sont « hydrolysés », libérant du glucose. On ne voit rien, sauf si l'on utilise des réactifs colorés, par exemple.

Finalement, après ce petit tour d'horizon, que retenir ? Qu'un aliment qui est chauffé et qui brunit… brunit. Oublions les réactions de Maillard, à moins de bien savoir ce qu'elles sont et ce qu'elles ne sont pas. On observera d'ailleurs que le changement de référentiel du CAP hôtellerie restauration avait entériné cette proposition : on distingue maintenant des cuissons avec brunissement et des cuissons sans brunissement. C'est tout simple, non ?

jeudi 9 février 2017

J'ai la rate qui se dilate !


Aujourd'hui, je tombe des nues : des enseignants qui préparaient un manuel  me demandaient l'autorisation de me citer. Là, tout va bien ; et ma réponse est évidemment "Volontiers, puisque c'est pour une bonne cause".
En revanche, le texte qui était préparé (et qui était censé être de moi) indiquait que les "molécules se dilatent à la chaleur".
Non, mille fois non !

Evidemment, j'ai eu tendance à me plaindre : mais comment est-ce possible que des enseignants en soient là, ma bonne dame ! quelle catastrophe ! où va la France ? Et ainsi de suite... mais cet épisode m'a immédiatement fait penser à des échanges sur un blog d'une revue culinaire, où des internautes m'avaient reproché de leur reprocher leur ignorance du monde moléculaire... et j'avais compris qu'ils avaient raison. Il est de mon devoir, non pas de me plaindre, mais d'expliquer gentiment, calmement, clairement. Dont acte.

Prenons donc un exemple, et, mieux, un exemple aussi simple que possible : de l'eau. L'eau liquide (mais ce serait vrai de la vapeur d'eau ou de la glace) est faite de "molécules" : si l'on regardait de l'eau avec un super-microscope, on verrait des objets tous identiques bouger en tous sens, comme des boules de billard. Ces objets ont été nommés molécules.
Quand on chauffe de l'eau, les molécules d'eau bougent de plus en plus vite. Et si l'on chauffe très énergiquement, alors certaines des molécules d'eau vont si vite qu'elles s'échappent dans l'air au-dessus du liquide.
Quand on refroidit de l'eau, les molécules d'eau bougent de plus en plus lentement. Et quand elles ne bougent plus guère, alors elles s'empilent les unes contre les autres en un solide : la glace.
Pour autant, les molécules restent toujours des molécules, et elles ne changent pas. Chaque molécule conserve sa taille, qu'elle aille vite ou lentement, de sorte que les molécules ne se dilatent pas.
Ai-je été clair ?

 Et pourquoi nos amis ont-ils ainsi écrit quelque chose de faux ? Je ne le saurai sans doute jamais, mais je me doute qu'ils ont confondu les molécules avec la matière (l'eau, par exemple), car il est exact que la matière peut se dilater à la chaleur. C'est la raison pour laquelle on ne pose pas les rails de chemin de fer jointifs : il faut qu'ils puissent se dilater, en été. Idem pour la pose des parquets, par exemple. A noter que l'eau est un peu exceptionnelle, pour ce qui concerne ce phénomène, puisque le gel (dilaté) fait fissurer les routes en hiver ou casse des récipients, quand l'eau congèle à l'intérieur. Mais c'est là un détail.

Bref, les matières sont souvent faites de molécules, qui ne se dilatent pas à la chaleur, mais vont de plus en plus vite.


PS. En réalité, les molécules se "dilatent" un peu quand on chauffe, en ce sens que les mouvements des atomes qui constituent les molécules sont également augmentés, quand les molécules reçoivent de l'énergie... mais cela est un détail qui compliquerait tout. Je le signale par acquis de conscience, mais j'invite mes amis non chimistes à conserver les idées du corps principal de ce texte : le gros avant le détail !

mercredi 8 février 2017

Pourquoi du bois pour les cuillers de cuisine ?

Pourquoi des cuillers en bois, en cuisine ? Parce que l'on se brûle quand on laisse des cuillers métalliques dans les casseroles où un liquide est chauffé !

La question renvoie à cet étonnement que l'on a en été, quand on entre, à l'ombre, s'asseoir sur une chaise, alors qu'on est en short ou en maillot de bain : on sent du froid quand la chaise est en métal.

Analysons : supposons qu'il fasse une température de 30 degrés, à l'intérieur de la maison ou de l'appartement.
La chaise, qu'elle soit en bois ou en métal, est à cette température, parce que, si elle était plus chaude, elle rayonnerait, et ne cesserait de le faire qu'en étant à 30 degrés; et si elle était plus froide, elle se réchaufferait. Nous nous asseyons donc sur une chaise dont la température est de 30 degrés... mais notre corps est plus chaud : par exemple 37 degrés.

De ce fait, sur une chaise en bois, notre corps communique rapidement sa chaleur au bois... mais le bois est mauvais conducteur de la chaleur, ce qui signifie qu'il est chauffé localement, et que la chaleur déposée à cet endroit y reste.
Bref, le bois vient vite à la température du corps, de sorte que nous ne percevons bientôt plus de différence.
Pour du métal, au contraire, notre corps chauffe le métal à l'endroit où nous sommes assis... mais le métal évacue la chaleur vers le reste de la chaise, de sorte qu'il faut que le corps redonne de la chaleur, et ainsi de suite.


Pour les cuillers en bois, c'est le même phénomène de conduction de la chaleur : la cuiller en métal conduit la chaleur du contenu de la casserole, de sorte que nous nous brûlons quand nous touchons le manche. Alors qu'avec une cuiller en bois, seule la partie de cuiller dans la casserole est chauffée.



Tout cela étant dit, le bois a d'autres avantages, à savoir qu'il ne raye pas le métal ou les couches anti-adhésives. Inversement, il est difficile à nettoyer et à débarrasser de ses bactéries, qui peuvent venir entre les fibres.

Enfin, il a été dit que l'on pouvait éviter de pleurer en épluchant des oignons si l'on mord dans une cuiller en bois... mais j'ai fait l'expérience, et cela n'a pas marché. Je rappelle qu'il suffit d'un seul contre exemple pour abattre une règle générale. L'idée est donc abattue.





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Je suis naïf, parce que ce n'est pas mon sujet. Merci de commenter si vous avez fait l'expérience.

Il y a plusieurs façons de faire cailler du lait. Par exemple, on peut ajouter un acide, tel le jus de citron (violent, et qui donne un goût citronné) ou la glucono-delta-lactone, qui fait un caillé de type yaourt. Mais on peut aussi faire un caillé "lactique", avec des micro-organismes qui transforment le lactose (le sucre du lait) en acide lactique, lequel, d'ailleurs, protège contre d'autres micro-organismes.
Et puis il y a les "caille-lait" : diverses plantes, tel le foin d'artichaut cru... ou les plantes nommées caille lait, dans diverses régions.
Mais, surtout, il y a la présure, extraite d'un intestin du veau, et qui contient des enzymes telles la chymiosine ou la pepsine. Ces enzymes déstabilisent les micelles de caséines et provoquent la coagulation.
Où se procurer la présure ? Sur internet, certainement, mais aussi en pharmacie (parfois, il faut commander à l'avance).

Mais, je me demande quand même si l'on ne pourrait pas récupérer le petit lait  d'un caillé présure, pour l'utiliser à emprésurer un autre lait ?




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dimanche 5 février 2017

Les huiles essentielles

Les appels à la prudence sont rarement entendus par les plus fougueux d'entre nous. Surtout quand, en réalité, cette fougue est un moyen de se distinguer.

Imaginons, par exemple, un cuisinier qui fasse des macérations de grappes de tomates grappes dans de l'huile, qu'il servirait comme un moyen original de donner un goût original.
Si on lui dit  que ces macérations sont très dangereuses (ce qui est vrai), il est très improbable qu'il cesse sa pratique fautive... parce qu'il a trouvé un moyen de se distinguer. Idem pour des pommes de terre servies avec leur peau, laquelle contient des glycoalcaloïdes toxiques.
Ou pour des macérations de cannelle dans de l'huile, ou bien encore des macérations d'estragon ou de basilic dans l'eau de vie (je renvoie à d'autres billets pour les raisons de ces dangers).

Bref, inutile de vouloir réformer ceux qui ne veulent pas l'être, de sorte que faut-il vraiment que je fasse ce billet sur les huiles essentielles ? Ceux qui en vendent assureront qu'il n'y a aucun danger... alors qu'ils n'en savent en réalité rien.
 Pourtant, ce ne serait pas bien de ne pas discuter la question, car, à côté des marchands mercantiles, il y a tous les autres, qui souhaitent des informations de bon aloi, pour en faire bon usage.

Disons alors que, dans les huiles essentielles, il  y des concentrations considérables de composés odorants.
Par exemple, dans l'huile essentielle de basilic ou d'estragon, il y a jusqu'à 85 % d'un composé nommé méthylchavicol (qui est cancérogène et tératogène).
Pour de l'huile essentielle de lavande, il y a environ 30 % de linalol, 1 % d'alpha terpinéol, 4 % de terpinène-4-ol, 32 % d'acétate de linalyle, 7 % d'ocimène, et d'autres composés. Pour ce cas, on se méfiera, car on a vu les seins de petits garçons pousser quand leur mère mettait cette huile essentielle dans leur bain, jour après jour.

Plus généralement, c'est la concentration des composés organiques qui fait leur danger, de sorte que l'on peut se demander si le législateur ne serait pas avisé de n'autoriser que des dilutions de ces huiles essentielles ?

En tout cas, j'invite mes amis cuisiniers, domestiques ou de restaurant, à être très prudent avec ces produits. Oui, il y a des odeurs merveilleuses, mais il y a des dangers. Diluons, et employons des dilutions !


Des références pour ceux qui en demandent :
- le site Toxicologie alimentaire d'AgroParisTech
-  Aziz et al., Journal of Food Science r Vol. 77, Nr. 3, 2012
- Jean Bruneton, Plantes Toxiques, Lavoisier Tec et Doc
- AFSSAPS : Recommandations relatives aux critères de qualité des huiles essentielles, 2008
- McDonald et al, Evidence of the carnogencity of estragole, nov 1999, Reproductive and Cancer Hazard Assessment Section Office of Environmental Health Hazard Assessment California Environmental Protection Agency
- Safety assessment of botanicals and botanical preparations as ingredients in food supplements intended for use. Guidance document of the Scientific Committee (Question No EFSA-Q-2005-233)
- et mille autres !




















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samedi 4 février 2017

Mousse au chocolat et pois chiche

Ces temps-ci, alors qu'un certain végétarianisme ou véganisme attaque la viande (personnellement, je propose un "droit des plantes à vivre dans la dignité, et je revendique que les agriculteurs soient beaucoup plus doux quand ils arrachent les carottes de terre), une certaine presse bobo promeut les mousses au chocolat sans oeuf, mais avec du jus de pois chiche.

Oui, ça mousse, parce que les légumineuses sont promues jusqu'à la FAO, qui a fait de 2016 l'année internationale des légumineuses, pour des raisons qui, elles, sont peu contestables.
Mais la question est surtout que ni l'oeuf ni le jus de pois chiche ne sont nécessaires pour faire des mousses au chocolat ! Dans la recette de "chocolat Chantilly", que j'ai introduite en 1995, il s'agit s'implement de mettre du chocolat avec de l'eau, de chauffer pour faire une émulsion analogue à la crème, puis de fouetter en refroidissant... pour obtenir comme de la crème Chantilly, mais sans crème, bien sûr.
Les proportions pour ceux qui n'ont jamais essayé : 200 grammes d'eau (eau pure, jus d'orange, thé, café, etc.), 250 grammes de chocolat à croquer. Et c'est tout  !

Un jeu d'enfant, comme le montre https://www.youtube.com/watch?v=Yu6dSd7wH1s






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